jeudi 3 mai 2012

Carnet de bord de Fabian – La Pampa (18/01/12 – 23/01/12)

L'homme, dans un soupçon d'instinct de survie, sans doute, semble conscient de son impact sur l'environnement, sur la flore et la nature. Son emprunte sur le territoire qu'il occupe pour y construire villes, villages, entreprises, routes, pour y cultiver la terre ou élever des animaux est tellement importante qu'il s'est rendu compte que son mode de vie faisait disparaître certaines espèces de plantes ou d'animaux, et même des écosystèmes entiers.


C'est pourquoi, il crée des réserves naturelles, des endroits où il laissera à la nature le droit de pouvoir se développer, s'accoupler, se battre, chasser, ... sans subir l'influence de la civilisation humaine, ou presque.

Une jeep 4x4 bien bolivienne, poussiéreuse avec pare-brise fissuré, des taches de rouille attestant l'ancienneté de l'engin, vient nous chercher à l'agence touristique. Après avoir quitté Rurenabaque, on s'engage sur une voie poussiéreuse et caillouteuse. Les langues se délient rapidement, on fait la connaissance de Sebastian, un Argentin à la longue barbe qui avait déjà attiré mon attention à l'office. Il y a aussi Andrew et Nicolas, deux Californiens qui, contrairement à la majorité des Yankies, parlent espagnol, Dorothée une Allemande joviale, et deux Suédois. C'est avec ce petit groupe que nous allons passer les prochains jours.

La jeep 4x4 qui nous emmènera jusqu'à la Pampa.
Des vaches à longues cornes nous regardent passer impassibles, tandis que de grands oiseaux s'envolent à notre approche.

Ah ben, Fabian, il a l'air content là !
Après trois heures de voie, nous embarquons dans une pirogue à moteur. L'eau sombre de la rivière a une odeur très forte, sans doute due aux plantes en décomposition. Personne ici ne ramasse les arbres tombés dans l'eau, ils pourront se décomposer au fil des ans, servant d'embarcadères aux tortues ou e planque aux prédateurs.
Les oiseaux n'ont pas l'air effrayés à notre passage.
Le guide va lentement, passant entre les plantes marines. Il n'hésite pas à couper son moteur, laissant la barque flotter lentement pour ne pas effrayer les animaux. Voyant que nous ne représentons pas une menace, ceux-ci, sans doute assez peu dérangés par l'homme, se laissent approcher de très près.



Des "oiseaux punks".

Les petits singes viennent voir ce qu'est tout ce raffut.
Presque tout le monde a son appareil photo en main, doigt sur la gâchette, près à immortaliser l'instant, garder des souvenirs semble une obsession, quitte à vivre le moment présent par les œillères de l'écran LCD des appareils numériques. On ne regarde pas, on photographie ; on ne voit pas, on ajuste ; on n'observe pas, on veut enfermer cet instant en 16/18, iso 1800, full color HD.

D'autres singes veulent immortaliser le moment...

Un buisson s'agite. Heureusement, le guide a une vue panoramique. Il tourne le moteur à essence et envoie la pirogue dans les arbres sur la berge. S'engage un face-à-face avec des petits singes. Nos coursiers semblent aussi curieux que nous, s'ils avaient des appareils photo, ils nous auraient canardé autant que nous. Ils se battent pour être en première ligne. D'autres pirogues touristique nous voient, flairant le spot, nous sommes bientôt cinq barques face aux petits singes de plus en plus nombreux.

"Quelles drôles de bêtes ces humains !"



Tortues croisées sur notre chemin.

On repart sur le fleuve tranquille, profitant de ce parc zoologique grandeur nature sans cage. On arrive à notre campement. Ce sont de petites cabanes perchées sur des pilotis, au-dessus de la rivière. On pose nos sacs à dos, profite d'un petit repas, avant d'aller jusqu'au « camp général » où on peut acheter des canettes de bière bien fraîche.

Notre campement sur pilotis, où nous passerons deux nuits.


Le "camp général", fait de ponts, de pontons, de cabanons, le tout sur pilotis.
Un groupe de touristes s'amasse autour d'une forme allongée dans l'eau. On s'approche, et on se rend compte qu'il s'agit d'un alligator. Immobile, impassible, sous les flashs des amerloques. Je rigole en voyant cette décoration tropicale, sans doute destinée à ne pas frustrer les touristes avides d'animaux sauvages. « Heu... Fab... Il y a ta décoration qui se fait la malle ! » Incroyable ! Lentement, l'animal se déplace de quelques mètres. Son corps semble glisser dans l'eau poisseuse. Les paparazzis de la Pampa ne devaient pas représenter une proie si appétissante...
La décoration de Fab qui se fait la malle !
Les touristes parfois inconscients du danger que peut représenter ces animaux...

Après le souper, nous reprenons notre pirogue. Avec les lampes de poche, nous pouvons voir des petits rubis jaunes le long de la berge. L'endroit est infesté de crocodiles (fins et élancés) et d'alligators (plus gros). Certaines restent près du campement, espérant sans doute un reste de cuisine ou un touriste maladroit.

Les hamacs de notre campement... toujours convoités !
Nous restons à papoter une petite heure dans les hamacs du campement, sur lesquels il est plutôt recommandé de ne pas s'endormir. Malgré l'anti-moustique DEET 40, les insectes suceurs de sang se régalent de ces petits plats préparés que nous sommes.

Un des alligators rôdant autour de notre campement.

Au loin, le ciel scintille d'éclairs comme une ampoule qui refuse de mourir. Je vais me coucher sous la moustiquaire. Ce soir, dans la Pampa, il y a un concert. Les grenouilles font concurrence aux grillons pour l'espèce qui fera le plus de bruit. Cette mascarade est parfois porteuse d'un bruit rauque, sans doute celui d'un oiseau troublé dans son sommeil.
Le ciel magnifique de la Pampa.

"L'aventurière maniaque" qui chasse l'anaconda !

Le lendemain, notre programme est tout bouclé. Le matin, on est parti chasser l'anaconda en bord de rivière. On rentre bredouille, les pieds mouillés, pour une sieste dans les hamacs de notre camp. L'aprèm, nous ré-embarquons dans la pirogue pour aller « nager avec les dauphins ». Un peu sceptiques à l'idée de nager dans la même rivière que les crocodiles, alligators et piranhas, le guide nous rassure en nous expliquant que le dauphin est un animal très territorial et que, par conséquent, quand on aperçoit les nageoires roses des mammifères aquatiques, la zone est « safe ». Ceux-ci sont particulièrement amicaux, malgré leur état sauvage. Ils adorent jouer avec les humains.

Serpent vénéneux rencontré lors de notre chasse à l'anaconda.
Fab qui nage avec les dauphins roses.

Le sur-lendemain, une très longue journée nous attendait. On se lève à 5h30 pour voir le soleil se lever sur la Pampa. Le spectacle de lumière est fantastique, les premières lueurs de l'aube éclairent la Pampa de sa couleur orangée. Tout le paysage est comme en feu.
5h30, lever de soleil sur la Pampa, no comment...
Ensuite, avec de petits morceaux de viande, on était censé pêcher le piranha. L'eau étant trop haute, c'était peine perdue. On profite tout de même du calme de la Pampa en cette matinée ensoleillée. 

Petit singe mascotte de notre campement.
Le calme de la Pampa...
Encore une tortue.

Alors qu'on retourne en bateau pour reprendre la jeep, nous pensions l'aventure terminée...
A notre arrivée dans le petit village, pas de jeep pour se rendre à Rurenabaque, la ville la plus proche. Celle qui finit quand même par arriver tombe en panne à 5 km du village. Le chauffeur, parti chercher de l'aide, nous laisse sur la piste, au milieu de nulle part.

Notre jeep tombée en panne...
Il fait une chaleur tropicale torride, et le seul maigre point d'ombre est celui de la voiture. On passe bien deux ou trois heures sous le soleil de plomb, attendant le retour de notre chauffeur. La galère, ayant toujours su accélérer les amitiés, on joue à la pétanque ou au volley attendant qu'une voiture vienne nous libérer de ce désert. Un troupeau de zébus passe, deux ou trois camions, jusqu'à ce qu'une camionnette à la benne pleine à craquer nous fasse signe de monter. Il peut nous ramener tous les huit au village, ce qui nous parait une bonne idée, ayant le gosier un peu sec.

Pétanque, stop, on fait tout pour passer le temps sous cette chaleur torride.
Un troupeau de zébus qui passe.

Le camion rempli de mille et une choses insolites (une moto, un bateau, des selles de cheval, ...) qui nous embarquera.
Tel un capitaine, Fab prendra place à l'avant du bateau dans la benne du camion.
Il était moins une, en quelques minutes, le temps avait tourné, et c'est une tempête qui nous surprend, entassés dans le chargement de la benne. Arrivés au village, on trouve des chips et de l'alcool qu'on se partage avec peu de modération.

Quand enfin un 4x4 vient nous chercher, c'est une bande de bruyants pochtrons qui entre dans la voiture, dont le chauffeur paraissait un peu ahuri. Sur tout le chemin, et la Pampa s'en souvient peut-être encore, des chants internationaux bourrés résonnaient.

Toute la petite bande de l'expédition.
Arrivés à Rurenabaque, vers 10h du soir, la bande se disperse à la quête d'une douche ou de quelque chose à manger. Cependant, pour nous, le trajet était loin d'être fini...

Avec Sebastian, l'Argentin de l'expédition, on reprend un bus pour retourner à La Paz. Nous étions un peu pressés dans le temps, ayant prévu de rejoindre John et papa au Chili trois jours plus tard. Nous n'avons donc qu'à peine eu le temps de voir ce beau pays qu'est la Bolivie.

Après une attente de plus ou moins trois heures et maintes négociations au terminal, nous montons enfin dans un bus en direction de la capitale. Au début, j'ai cru qu'on n'y arriverait pas. Sur l'arrière du bus était peint Jésus, sans doute pour nous protéger sur ces routes extrêmement dangereuses. Le trajet dure entre 18 et 25 heures, la durée dépendant de la pluie, du beau temps, des éboulements, des accidents, des travaux, des bosses et des fosses, des pannes, des animaux sur la route, ...


Sur l'arrière des bus boliviens, Jésus ...
... ou le Che ...


... ou encore Ben Laden !

D'habitude, un long trajet de bus est un moment idéal pour lire ou dormir, mais dans le bus qui devait nous ramener à La Paz, c'était tout simplement impossible. Les secousses sont telles que je me perds dans les lignes de mon livre, et les bosses sur la route nous faisaient faire des bonds de 30 cm de haut, rendant toute tentative d'endormissement inutile. Celle-ci se finissait souvent d'un BONG de votre tête sur la vitre.

Nous nous arrêtons un nombre incalculable de fois pour l'une ou l'autre des raisons invoquées plus haut, avant d'arriver, en bouillie, à La Paz.

Sebastian jouant de son sax tenor à La Paz.

Nous passons une journée à acheter de l'artisanat bolivien, des écharpes, sacs, instruments de musique, des draps colorés, sets de table, pulls en alpaga, ... pour faire des cadeaux à notre retour ou tout simplement pour se faire plaisir.

Le corps encore endolori de notre dernier voyage en bus, on se paye le luxe d'un billet d'avion pour rejoindre Santa Cruz où nous avons, deux jours plus tard, un autre avion qui doit nous emmener au Chili.
En voyant les beaux paysages de Bolivie avec ses petits sentiers, ses montagnes, ses énormes étendues de forêt, on au travers du hublot, j'ai un petit pincement au cœur à l'idée qu'on parcourt ces immensités si vite. Il nous faudra revenir !

On atterrit à Santa Cruz quelques heures plus tard. On demande au taxi à la sortie de nous amener à la place centrale où on trouvera des artisans, qui nous indiqueront une auberge sympa. On passe la soirée à jouer de la musique dans la rue, avant de rejoindre un matelas de paille où nous passerons notre dernière nuit bolivienne.

Paysage de la Pampa.

Alors qu'on lève la main pour arrêter un taxi pour nous emmener à l'aéroport, une voiture au look étrange s'arrête. En rentrant dans le véhicule, on se rend compte qu'elle est montée à l'envers ! Le modèle japonais, avec le volant originellement à droite, avait été bricolé pour installer le volant et les pédales à gauche, tout en gardant le tableau de bord à droite. Sur son siège, démantibulé de toute sa mousse pour ne laisser apparaitre que les ressorts, le chauffeur rigole de notre étonnement, nous parle du prix de carburant, de la bouffe en Bolivie, ... Pendant ce temps, sur le tableau de bord fonctionnant encore du côté droit de l'auto, l'aiguille des vitesse s'affole. Je regarde une dernière fois le paysage défiler à toute vitesse, souriant de ce dernier clin d'œil à la débrouille bolivienne.

Le lendemain, on est dans l'avion qui doit nous emmener à Santiago del Chile. Ce sera pour nous, une illustration pathétique des différences culturelle et économique qui existent entre les pays d'Amérique Latine.

mardi 1 mai 2012

Carnet de bord de Fabian – Rurenabaque (17/01/12)

C'est après un long trajet agité sur une « route de la mort » bis, en bus cette fois-ci, que nous voyons le soleil se lever sur un paysage rappelant les films sur la guérilla ou les escapades d'Indiana Jones.

La route de la mort bis, mais en bus cette fois... 
Notre arrivée à Rurenabaque : la route en valait la peine, pas de doute !
A la sortie du bus, en dehors des courants d'air, une chaleur humide, malgré l'heure matinale, nous envahit. On cherche un café, accompagné de deux filles argentines avec qui nous avions familiarisé lors des nombreuses haltes du bus. On en trouve un dans une hutte dont des moustiquaires faisaient office de fenêtre. Un perruche, la mascotte du café, vient se poser sur mes épaules cherchant à manger la graine de ma tresse. Fièrement, la tenancière nous présente l'autre mascotte du café : un petit serpent super vénéneux dans un bocal...






Pas de doute, nous sommes maintenant loin des climats tempérés que nous avons connus jusqu'à présent.






Rurenabaque est une assez petite ville en bordure d'une rivière sur laquelle les gens se déplacent en pirogues à moteur. Nous trouvons une auberge au bord de celle-ci.
La rivière au bord de notre auberge à Rurenabaque.

Alors que je rêvasse en regardant ce paysage si étrange, un homme passe avec un petit singe sur sa tête. On ne peut s'empêcher de fondre face à cette petite créature qui, comme une peluche animée, nous regardait avec ses grands yeux, à peine effrayé. La bête ne semblait pas sevrée, à peine je le prends dans mes bras que le petit singe grimpe sur ma tête. Mes cheveux ébouriffés devaient lui rappeler les poils de sa mère !

Nous demandons à l'homme ce qu'il compte faire de ce petit animal sans défense. Il nous dit qu'il va tenter de le vendre. Un braconnier... Je suis un peu triste d'imaginer le pauvre animal finir dans un cirque, un zoo ou comme animal de compagnie à une famille fortunée.
Bel oiseau pris envol par Fab.

Nous en voulons plus, nous voulons voir tous ces animaux dans leur habitat naturel. Un grand nombre d'agences propose des tours, soit dans la jungle pour admirer la flore et les grands arbres, soit dans la Pampa, jouissant du même climat mais arborant une végétation plus basse, idéale pour observer les animaux.

On négocie sévèrement le prix de l'expédition avec en prime notre billet de bus pour repartir vers La Paz. S'en suivirent trois jours particulièrement fort en émotion, dans un univers où la nature et ses animaux ont encore tous leurs droits.

jeudi 19 avril 2012

Carnet de bord de Fabian – La Paz, Sorata, la route de la mort et Coroico (09/01/12 – 16/01/12)

Le lendemain, le nus nous amène à La Paz où on retrouve, sous une pluie torrentielle, nos amis colombiens qui n'avaient pas pris la même compagnie de bus que nous. Ils sont maintenant accompagnés de Sophie, une Française qui, après avoir passé plusieurs mois dans un orphelinat au Pérou comme bénévole, a décidé de voir un peu du pays.

Nous sommes bien tous d'accord sur le fait que nous ne voulons pas nous éterniser à La Paz, les capitales d'Amérique du Sud se ressemblant tellement.

On trace alors notre route jusqu'à Sorata dès le lendemain, afin de retrouver un peu de verdure. On n'est pas déçu, on trouve la Casa Reggae, une auberge pour mochileros où on profite de la sérénité et du soleil pour se reposer et faire de l'artisanat.

A la Casa Raggea dans le petit village de Sorata.
On profite également d'un petit rio avant de repartir le lendemain jusque La Paz.

Une petite rivière coulant dans le bas du village de Sorata.
A La Paz, nous tombons sur un hôtel backpackers sympa, proposant un ensemble d'activités pour les touristes. On décide avec Sophie la Française de louer des vélos pour faire « la route de la mort ». 3500 mètres de dénivelé sur une route anciennement réputée pour être la plus dangereuse au monde. Il s'agissait surtout de la route à prendre pour rejoindre Coroico, la porte de la jungle... L'idée de faire le trajet en vélo avait en même temps un côté fun et rassurant (plus sûr en vélo qu'en bus !).

Oh yeah, la route de la mort en vélo !

C'est beau, on voit qu'on approche de la jungle.
Il est vrai que sur cette route, on voyait mal un bus croiser un camion.

Ceci n'est pas une pub.
Nous étions une meute de vélos « high tech », tous habillés des mêmes habits de la société de tourisme « El Solario » pour « nous reconnaître ». On avait l'air con, mais qu'est-ce que j'ai eu bon toute allure dans ce paysage grandiose ! Parfois, le précipice faisait plusieurs centaines de mètres de profondeur. Au fur et à mesure qu'on descendait, le temps se réchauffait et la végétation devenait de plus en plus tropicale.

La route de la mort
En fin de journée, on arrive dans un petit bled à proximité de Coroico. On récupère nos gros sacs dans la camionnette, laissant les autres touristes retourner à La Paz, tandis que nous cherchons un collectivo pour aller jusqu'à la ville. Cheveux dans le vent, à l'arrière d'un pick-up qui nous prend pour une croûte de pain, j'essaye de m'imaginer à quoi ressemble « la selva », la jungle que j'ai envie de voir depuis l'Equateur.

Sophie, qui était malade depuis la nouvelle année, a de plus en plus mal aux poumons, et la longue balade à vélo n'a pas arrangé les choses. Sophie, le soir, n'était vraiment pas bien. Marie l'accompagne à l'hôpital où on obtient un rendez-vous pour le lendemain matin.

La petite ville de Coroico
L'hôpital où nous nous rendons le lendemain ressemblait plus à une école maternelle qu'à un lieu de soin. Tout le personnel vient voir « la » malade de l'hôpital. Le diagnostic est posé : pneumonie, elle doit rester hospitalisée une semaine.

Malgré que l'hôpital me semblait bien plus hygiénique que celui que j'avais pu voir au Pérou, il a fallut aller chercher nous-mêmes de l'Ibuprofen en ville, parce que l'hôpital n'en avait pas. Je me demande comment font les gens seuls dans un cas pareil...

Un peu ennuyés de laisser Sophie seule dans un hôpital en Bolivie, mais néanmoins rassurés par la prise en charge de l'hôpital et la gentillesse du personnel, nous décidons de prendre le bus pour Rurenabaque, après avoir pris le soin d'acheter à Sophie un stock d'eau, de cacao, de biscuits, de chips, de magazines et de PQ,

On apprendra par la suite que Sophie est sortie de l'hôpital une semaine plus tard, en pleine forme !

mercredi 18 avril 2012

Carnet de bord de Fabian – Copacabana (06/01/12 – 08/01/12)

D'habitude, je déteste les postes frontières. Ils sont la cristallisation, la matérialisation d'une contradiction accablante de la mondialisation. Alors que les capitaux traversent les frontières, comme munis d'un laisser-passer international, on accorde beaucoup moins d'importance à la liberté de circuler des personnes. Au contraire : on la limite, on la contrôle, on la surveille, on la bloque. 

Toujours le même rituel. Un homme en chemise est assis dans un bocal de verre. Il ne dit rien, vous savez ce que vous avez à faire. Vous avez déjà préparé votre passeport alors qu'une longue file docile patiente devant vous. Et c'est les mains moites, qu'à votre tour, vous tendez le document. L'homme dans son bocal travaille comme dans une chaîne de montage, la pièce d'identité il la manipule, la feuillette, vérifie d'où vous venez, si la photo correspond bien à l'original. Puis, d'un geste mécanique, il écrase lourdement un tampon qui laisse sur votre document un cachet vous donnant droit à un certain nombre de jours sur le territoire. Ça y est, vous êtes certifié conforme à la circulation sur le territoire national pour un temps déterminé.

La frontière entre le Pérou et la Bolivie est de loin la plus tranquille qu'on ait pu connaître jusqu'à présent. On descend du bus pour passer le poste frontière à pied. On passe dans le bureau péruvien pour avoir le cachet de sortie du territoire, puis dans un bureau bolivien pour le visa. Ensuite nous passons sous un grand arche derrière lequel le drapeau vert, jaune et rouge nous indique qu'on est en Bolivie. Pas de barbelé, pas de hordes de militaires. On ne vous regarde pas comme si vous étiez un dangereux terroriste ou un de ces « profiteurs » étranger.

Bienvenue en Bolivie !
 Le poste frontière parait bien symbolique là, au milieu des champs, avec le grand lac Titicaca étendu entre le Pérou et la Bolivie, comme narguant cette entreprise humaine en rappelant que la nature n'a pas de frontière.
C'est à ce moment-là que nous rencontrons Sebastian et Andres, deux Colombiens, un plus petit aux cheveux courts, habillé de vêtements sobres, qui contrastait avec l'apparence plutôt extravagante de son compagnon de voyage. Andres avait des peintures sur le visage attirant l'attention de tout le monde. Pour certains c'était également une crainte qui se manifestait. « C'est une protection qu'on m'a faite au Pérou » nous explique-t-il.

On descend du bus à Copacabana, une ville touristique en bordure nord du lac Titicaca. Les Colombiens cherchaient un endroit pour camper, tandis que Delphine, la trompettiste de notre groupe de musique qui nous devançait d'un mois, nous avait renseigné un hôtel sympa pour 8 bolivianos la nuit (à peu près 1 euro). On promet aux Colombiens de se revoir.

L'hôtel se trouvait en périphérie de la ville, nous transpirons sous le soleil de plomb, mais surtout nous manquons réellement d'air à cause de l'altitude. Il faut savoir que le lac Titicaca est le lac le plus haut du monde, perché au-dessus des montagnes à 3000 mètres d'altitude. Parfois, à bout de souffle, nous posons tout notre chargement, le temps de se remettre. C'est chaque fois une certaine libération quand on trouve l'auberge sympa où on sait que notre gros sac restera quelques jours.

Arrivés à l'hôtel, Mariella nous accueille. Elle a l'air assez simpliste, et je me demande si elle est la patronne de ce lieu. L'hôtel était sale. Au bord de l'évier avait pourri pendant plusieurs jours des restes de nourriture. Prendre une douche m'avait donné l'impression d'être plus sale qu'avant, et je suis content d'être un mec et de pouvoir pisser debout. Néanmoins, il reignait une ambiance conviviale, festive et colorée à l'image des murs de cette auberge sur lesquels était peint des instruments de musique, graffés ou signés d'une pensée sur le monde et la nature. « Para el que mira sin ver la Tierra, es tierra no mas. » (Pour celui qui regarde sans voir la Terre, c'est de la terre, pas plus.) « Desde los bosques nos levatamos como arboles somos rio, sol y viento... » (A partir des bois nous nous levons comme des arbres, nous sommes la rivière, le soleil et le vent...) 

Tous les murs de l'auberge étaient recouverts de dessins et de message s sur la Pacha Mama
 Après avoir posé nos sacs dans notre chambre, nous retournons vers la ville ou plutôt vers la plage donnant sur le lac. Nous rencontrons beaucoup d'étudiants Argentins voyageant en cette période de janvier qui correspond à leurs grandes vacances. On partage mate, musique et Fernet-coca sans trop s'accrocher à cette compagnie, ayant déjà en tête l'idée de quitter Copacabana pour regagner la Isla del Sol, une grande île flanquée en plein milieu du lac.

Déjà le soleil commence à décliner pour nous offrir un magnifique couché de soleil. Les nuages forment au-dessus du lac plusieurs couches faisant du ciel une peinture abstraite voire surréaliste. Nous avons face à nous autant le soleil que la pluie, la nuit et le jour, comme dans un tableau de Magritte. Des petits bateaux de pêche ou de transport de touristes semblent déjà endormis sur le lac. 

Un paysage comme une peinture de Magritte.
 Nous faisons un petit tour des bars de la ville avant de rejoindre l'hôtel pour préparer notre sac pour l'expédition du lendemain sur la Isla del Sol. On prévoit d'arriver dans la partie sude de l'île et de marcher jusqu'à la partie nord où on a appris qu'on pouvait camper.

On embarque alors le jour suivant sur un bateau où s'entasse une centaine de touristes. 

De nombreux bateaux baladent les touristes sur le lac.
Une mamita avec son enfant profite du voyage. Je rêvasse, tantôt le regard posé sur l'horizon du loin où se dessine des côtes sauvages, tantôt sur la mamita et son gosse. Ils doivent avoir une vie tellement différente de celle des Américains, Européens, Argentins aux lunettes de soleil antireflet, le doigt posé sur le déclencheur de leur appareil photos comme sur une gâchette. 

Je m'interroge sur l'impact du tourisme sur ces communautés qui, il y a quelques années, devaient encore vivre en dehors de la civilisation occidentale.
Une mamita et un petit bout.
Avec le tourisme, de nouvelles activités remplacent la pêche ou le travail des champs : restaurants, petits magasins, centres de télécommunication, transports, agences de voyage, hôtels, auberges backpackers, ... C'est comme si deux mondes se côtoyaient sans s'interpénétrer. Je râle quand une mamita préfère me voir partir de son magasin plutôt que de me faire le prix local que je connais. Cette pratique raciste renforce encore plus le fossé entre nos deux cultures. 

La Bolivie reste un pays où l’agriculture fait vivre
Après deux petites heures de voyage en bateau, nous posons pied sur l'Ile du Soleil. Nous attendons quelques minutes que la cohorte de touristes se disperse avant de prendre le chemin pour une journée de randonnée avec comme objectif de planter la tente du côté nord de l'île. 

La magnifique île du Soleil
Nous traversons des villages ruraux indifférents à notre passage, sauf pour nous proposer une chambre d'hôtel. Nous quittons sans le vouloir le chemin et nous nous retrouvons seuls, traversant les champs; 

Tu trouveras le chemin ?
rencontrant ça et là des enfants à demi curieux et à demi impressionnés à qui nous demandons notre chemin. 

Ça monte bien ici.
Je suis impressionné par les couleurs de la roche et de ce ciel si bleu, espérant que ça dure jusqu'à la nuit pour profiter des étoiles, loin de la pollution lumineuse de la ville. 

L'air est frais et une douce odeur d'eucalyptus déborde mes narines quand nous passons à côté des forêts. 

Marie devant une foret d’eucalyptus.
 En fin de journée, on arrive aux ruines d'un temple du Soleil, d'où l'île tire son nom depuis la période des Incas. Des enfants, s'improvisant guides touristiques pour quelques bolivianos, nous expliquent, à côté d'informations un peu douteuses (« Ici les c'est l'armoire où les Incas mettaient leurs vêtements. » « Ici c'était pour leurs bijoux. »), qu'en ce lieu était pratiqué des sacrifices de jeunes vierges pour le dieu Soleil. Dans un gros rocher à proximité de la table de sacrifices, on pouvait distinguer avec un peu d'imagination la forme d'un puma et la tête d'un dieu inca. 

On plante la tente sur la plage pour apprécier le coucher du soleil sur le lac. On fait la connaissance de trois étudiants argentins avec qui on parle beaucoup du système d'éducation en Argentine.

On installe le tente sur la plage.
Quelques minutes plus tard.
 Ce lieu est devenu magique quand, après un superbe coucher de soleil, la lune quasi pleine s'est levée au-dessus de la porte du temple, illuminant le paysage d'une lumière bleutée. 

La lune se lève sur le temple du Soleil au dessus de notre campement.
Malgré le vent et le froid on parvient à allumer un feu de brindilles et de crottes de cheval séchées pour se réchauffer un peu avant d'aller s'endormir paisiblement dans notre tente. Le vent et même la grêle n'auront pas raison de mon sommeil de plomb.

On fait un petit feu pour se réchauffé la nuit. 
 Le lendemain, on sèche la tente trempée de la nuit dans le vent et dans un petit soleil de matin, avant de regagner Copacabana.

Alors qu'on venait de prendre nos tickets de bus pour La Paz, on retrouve nos amis colombiens qui avaient campé sur la place principale de la ville. Ils ont le même projet que nous de regagner la capitale de la Bolivie le lendemain.

On passe une soirée à boire de la bière légère sur la place, alors même que de nombreuses mamitas font de même en cette fin de semaine, assises chacune sur leur casier, picolant et papotant jusque tard dans la nuit. Je les imagine parler des derniers potins du quartier, de la mort d'un doyen du village, des touristes maladroits, ou plaisanter tout simplement comme on le fesait nous-mêmes.

Les mamitas n'ont pas fini de nous surprendre.