jeudi 3 mai 2012

Carnet de bord de Fabian – La Pampa (18/01/12 – 23/01/12)

L'homme, dans un soupçon d'instinct de survie, sans doute, semble conscient de son impact sur l'environnement, sur la flore et la nature. Son emprunte sur le territoire qu'il occupe pour y construire villes, villages, entreprises, routes, pour y cultiver la terre ou élever des animaux est tellement importante qu'il s'est rendu compte que son mode de vie faisait disparaître certaines espèces de plantes ou d'animaux, et même des écosystèmes entiers.


C'est pourquoi, il crée des réserves naturelles, des endroits où il laissera à la nature le droit de pouvoir se développer, s'accoupler, se battre, chasser, ... sans subir l'influence de la civilisation humaine, ou presque.

Une jeep 4x4 bien bolivienne, poussiéreuse avec pare-brise fissuré, des taches de rouille attestant l'ancienneté de l'engin, vient nous chercher à l'agence touristique. Après avoir quitté Rurenabaque, on s'engage sur une voie poussiéreuse et caillouteuse. Les langues se délient rapidement, on fait la connaissance de Sebastian, un Argentin à la longue barbe qui avait déjà attiré mon attention à l'office. Il y a aussi Andrew et Nicolas, deux Californiens qui, contrairement à la majorité des Yankies, parlent espagnol, Dorothée une Allemande joviale, et deux Suédois. C'est avec ce petit groupe que nous allons passer les prochains jours.

La jeep 4x4 qui nous emmènera jusqu'à la Pampa.
Des vaches à longues cornes nous regardent passer impassibles, tandis que de grands oiseaux s'envolent à notre approche.

Ah ben, Fabian, il a l'air content là !
Après trois heures de voie, nous embarquons dans une pirogue à moteur. L'eau sombre de la rivière a une odeur très forte, sans doute due aux plantes en décomposition. Personne ici ne ramasse les arbres tombés dans l'eau, ils pourront se décomposer au fil des ans, servant d'embarcadères aux tortues ou e planque aux prédateurs.
Les oiseaux n'ont pas l'air effrayés à notre passage.
Le guide va lentement, passant entre les plantes marines. Il n'hésite pas à couper son moteur, laissant la barque flotter lentement pour ne pas effrayer les animaux. Voyant que nous ne représentons pas une menace, ceux-ci, sans doute assez peu dérangés par l'homme, se laissent approcher de très près.



Des "oiseaux punks".

Les petits singes viennent voir ce qu'est tout ce raffut.
Presque tout le monde a son appareil photo en main, doigt sur la gâchette, près à immortaliser l'instant, garder des souvenirs semble une obsession, quitte à vivre le moment présent par les œillères de l'écran LCD des appareils numériques. On ne regarde pas, on photographie ; on ne voit pas, on ajuste ; on n'observe pas, on veut enfermer cet instant en 16/18, iso 1800, full color HD.

D'autres singes veulent immortaliser le moment...

Un buisson s'agite. Heureusement, le guide a une vue panoramique. Il tourne le moteur à essence et envoie la pirogue dans les arbres sur la berge. S'engage un face-à-face avec des petits singes. Nos coursiers semblent aussi curieux que nous, s'ils avaient des appareils photo, ils nous auraient canardé autant que nous. Ils se battent pour être en première ligne. D'autres pirogues touristique nous voient, flairant le spot, nous sommes bientôt cinq barques face aux petits singes de plus en plus nombreux.

"Quelles drôles de bêtes ces humains !"



Tortues croisées sur notre chemin.

On repart sur le fleuve tranquille, profitant de ce parc zoologique grandeur nature sans cage. On arrive à notre campement. Ce sont de petites cabanes perchées sur des pilotis, au-dessus de la rivière. On pose nos sacs à dos, profite d'un petit repas, avant d'aller jusqu'au « camp général » où on peut acheter des canettes de bière bien fraîche.

Notre campement sur pilotis, où nous passerons deux nuits.


Le "camp général", fait de ponts, de pontons, de cabanons, le tout sur pilotis.
Un groupe de touristes s'amasse autour d'une forme allongée dans l'eau. On s'approche, et on se rend compte qu'il s'agit d'un alligator. Immobile, impassible, sous les flashs des amerloques. Je rigole en voyant cette décoration tropicale, sans doute destinée à ne pas frustrer les touristes avides d'animaux sauvages. « Heu... Fab... Il y a ta décoration qui se fait la malle ! » Incroyable ! Lentement, l'animal se déplace de quelques mètres. Son corps semble glisser dans l'eau poisseuse. Les paparazzis de la Pampa ne devaient pas représenter une proie si appétissante...
La décoration de Fab qui se fait la malle !
Les touristes parfois inconscients du danger que peut représenter ces animaux...

Après le souper, nous reprenons notre pirogue. Avec les lampes de poche, nous pouvons voir des petits rubis jaunes le long de la berge. L'endroit est infesté de crocodiles (fins et élancés) et d'alligators (plus gros). Certaines restent près du campement, espérant sans doute un reste de cuisine ou un touriste maladroit.

Les hamacs de notre campement... toujours convoités !
Nous restons à papoter une petite heure dans les hamacs du campement, sur lesquels il est plutôt recommandé de ne pas s'endormir. Malgré l'anti-moustique DEET 40, les insectes suceurs de sang se régalent de ces petits plats préparés que nous sommes.

Un des alligators rôdant autour de notre campement.

Au loin, le ciel scintille d'éclairs comme une ampoule qui refuse de mourir. Je vais me coucher sous la moustiquaire. Ce soir, dans la Pampa, il y a un concert. Les grenouilles font concurrence aux grillons pour l'espèce qui fera le plus de bruit. Cette mascarade est parfois porteuse d'un bruit rauque, sans doute celui d'un oiseau troublé dans son sommeil.
Le ciel magnifique de la Pampa.

"L'aventurière maniaque" qui chasse l'anaconda !

Le lendemain, notre programme est tout bouclé. Le matin, on est parti chasser l'anaconda en bord de rivière. On rentre bredouille, les pieds mouillés, pour une sieste dans les hamacs de notre camp. L'aprèm, nous ré-embarquons dans la pirogue pour aller « nager avec les dauphins ». Un peu sceptiques à l'idée de nager dans la même rivière que les crocodiles, alligators et piranhas, le guide nous rassure en nous expliquant que le dauphin est un animal très territorial et que, par conséquent, quand on aperçoit les nageoires roses des mammifères aquatiques, la zone est « safe ». Ceux-ci sont particulièrement amicaux, malgré leur état sauvage. Ils adorent jouer avec les humains.

Serpent vénéneux rencontré lors de notre chasse à l'anaconda.
Fab qui nage avec les dauphins roses.

Le sur-lendemain, une très longue journée nous attendait. On se lève à 5h30 pour voir le soleil se lever sur la Pampa. Le spectacle de lumière est fantastique, les premières lueurs de l'aube éclairent la Pampa de sa couleur orangée. Tout le paysage est comme en feu.
5h30, lever de soleil sur la Pampa, no comment...
Ensuite, avec de petits morceaux de viande, on était censé pêcher le piranha. L'eau étant trop haute, c'était peine perdue. On profite tout de même du calme de la Pampa en cette matinée ensoleillée. 

Petit singe mascotte de notre campement.
Le calme de la Pampa...
Encore une tortue.

Alors qu'on retourne en bateau pour reprendre la jeep, nous pensions l'aventure terminée...
A notre arrivée dans le petit village, pas de jeep pour se rendre à Rurenabaque, la ville la plus proche. Celle qui finit quand même par arriver tombe en panne à 5 km du village. Le chauffeur, parti chercher de l'aide, nous laisse sur la piste, au milieu de nulle part.

Notre jeep tombée en panne...
Il fait une chaleur tropicale torride, et le seul maigre point d'ombre est celui de la voiture. On passe bien deux ou trois heures sous le soleil de plomb, attendant le retour de notre chauffeur. La galère, ayant toujours su accélérer les amitiés, on joue à la pétanque ou au volley attendant qu'une voiture vienne nous libérer de ce désert. Un troupeau de zébus passe, deux ou trois camions, jusqu'à ce qu'une camionnette à la benne pleine à craquer nous fasse signe de monter. Il peut nous ramener tous les huit au village, ce qui nous parait une bonne idée, ayant le gosier un peu sec.

Pétanque, stop, on fait tout pour passer le temps sous cette chaleur torride.
Un troupeau de zébus qui passe.

Le camion rempli de mille et une choses insolites (une moto, un bateau, des selles de cheval, ...) qui nous embarquera.
Tel un capitaine, Fab prendra place à l'avant du bateau dans la benne du camion.
Il était moins une, en quelques minutes, le temps avait tourné, et c'est une tempête qui nous surprend, entassés dans le chargement de la benne. Arrivés au village, on trouve des chips et de l'alcool qu'on se partage avec peu de modération.

Quand enfin un 4x4 vient nous chercher, c'est une bande de bruyants pochtrons qui entre dans la voiture, dont le chauffeur paraissait un peu ahuri. Sur tout le chemin, et la Pampa s'en souvient peut-être encore, des chants internationaux bourrés résonnaient.

Toute la petite bande de l'expédition.
Arrivés à Rurenabaque, vers 10h du soir, la bande se disperse à la quête d'une douche ou de quelque chose à manger. Cependant, pour nous, le trajet était loin d'être fini...

Avec Sebastian, l'Argentin de l'expédition, on reprend un bus pour retourner à La Paz. Nous étions un peu pressés dans le temps, ayant prévu de rejoindre John et papa au Chili trois jours plus tard. Nous n'avons donc qu'à peine eu le temps de voir ce beau pays qu'est la Bolivie.

Après une attente de plus ou moins trois heures et maintes négociations au terminal, nous montons enfin dans un bus en direction de la capitale. Au début, j'ai cru qu'on n'y arriverait pas. Sur l'arrière du bus était peint Jésus, sans doute pour nous protéger sur ces routes extrêmement dangereuses. Le trajet dure entre 18 et 25 heures, la durée dépendant de la pluie, du beau temps, des éboulements, des accidents, des travaux, des bosses et des fosses, des pannes, des animaux sur la route, ...


Sur l'arrière des bus boliviens, Jésus ...
... ou le Che ...


... ou encore Ben Laden !

D'habitude, un long trajet de bus est un moment idéal pour lire ou dormir, mais dans le bus qui devait nous ramener à La Paz, c'était tout simplement impossible. Les secousses sont telles que je me perds dans les lignes de mon livre, et les bosses sur la route nous faisaient faire des bonds de 30 cm de haut, rendant toute tentative d'endormissement inutile. Celle-ci se finissait souvent d'un BONG de votre tête sur la vitre.

Nous nous arrêtons un nombre incalculable de fois pour l'une ou l'autre des raisons invoquées plus haut, avant d'arriver, en bouillie, à La Paz.

Sebastian jouant de son sax tenor à La Paz.

Nous passons une journée à acheter de l'artisanat bolivien, des écharpes, sacs, instruments de musique, des draps colorés, sets de table, pulls en alpaga, ... pour faire des cadeaux à notre retour ou tout simplement pour se faire plaisir.

Le corps encore endolori de notre dernier voyage en bus, on se paye le luxe d'un billet d'avion pour rejoindre Santa Cruz où nous avons, deux jours plus tard, un autre avion qui doit nous emmener au Chili.
En voyant les beaux paysages de Bolivie avec ses petits sentiers, ses montagnes, ses énormes étendues de forêt, on au travers du hublot, j'ai un petit pincement au cœur à l'idée qu'on parcourt ces immensités si vite. Il nous faudra revenir !

On atterrit à Santa Cruz quelques heures plus tard. On demande au taxi à la sortie de nous amener à la place centrale où on trouvera des artisans, qui nous indiqueront une auberge sympa. On passe la soirée à jouer de la musique dans la rue, avant de rejoindre un matelas de paille où nous passerons notre dernière nuit bolivienne.

Paysage de la Pampa.

Alors qu'on lève la main pour arrêter un taxi pour nous emmener à l'aéroport, une voiture au look étrange s'arrête. En rentrant dans le véhicule, on se rend compte qu'elle est montée à l'envers ! Le modèle japonais, avec le volant originellement à droite, avait été bricolé pour installer le volant et les pédales à gauche, tout en gardant le tableau de bord à droite. Sur son siège, démantibulé de toute sa mousse pour ne laisser apparaitre que les ressorts, le chauffeur rigole de notre étonnement, nous parle du prix de carburant, de la bouffe en Bolivie, ... Pendant ce temps, sur le tableau de bord fonctionnant encore du côté droit de l'auto, l'aiguille des vitesse s'affole. Je regarde une dernière fois le paysage défiler à toute vitesse, souriant de ce dernier clin d'œil à la débrouille bolivienne.

Le lendemain, on est dans l'avion qui doit nous emmener à Santiago del Chile. Ce sera pour nous, une illustration pathétique des différences culturelle et économique qui existent entre les pays d'Amérique Latine.

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