mercredi 18 avril 2012

Carnet de bord de Fabian - Arequipa  (22/12/11 - 27/12/11)

On se remet de nos émotions dans un hôtel pour "backpackers", des gens qui comme nous se trimballent avec un gros sac à dos. Des endroits sont mis à leur disposition pour une modique somme afin qu'ils se rencontrent dans un cadre confortable : eau chaude, internet, télévision. Je remarque que certains voyageurs ne connaissent que ce genre de lieux et n'ont dès lors pas tellement besoin de parler espagnol, l'anglais leur suffit amplement.

Noël approche, et nous envisageons d'essayer de trouver un plan à l'arrache pour un peu rendre à la société péruvienne de sa générosité. Sur un plan de la ville d'Arequipa spécial backpackers, la présentation de deux organisations de bénévolat attire notre attention. L'une d'elle, "Traveller not tourist", se trouve à quelques pâtés de maison de notre auberge. Nous passons la porte de l'agence où on nous adresse directement la parole en anglais. Sur le prospectus en papier glacé de l'agence, le "voyageur" est défini comme une personne responsable par rapport à son impact économique, social et écologique. "L'agence de bénévolat" propose soit des cours d'anglais pour des enfants dans la périphérie d'Arequipa, soit de l'aide dans des orphelinats, à côté de services touristiques classiques. Le droit d'inscription, en dollars, me noue la gorge, et me fait perdre tout mon anglais : 100 dollars... plus des frais de logement éventuels... Ainsi, des gens parviennent à se faire de l'argent sur le désir d'aider son prochain. J'en ai la nausée.


Coïncidence heureuse, Anne, une Hollandaise habitant depuis deux mois dans l'auberge où nous louons une chambre, travaille dans un orphelinat et est enchantée à l'idée qu'on vienne jouer de la musique pour les enfants pour Noël. Elle nous propose d'en parler à la doyenne de l'orphelinat.

Ici, la période de Noël rime avec panetone. Je pense que le Pérou doit en consommer plus que l'Italie, mais ici on en mange avec un chocolat chaud goûtant bien plus la cannelle que le cacao (dont le pays est pourtant producteur). Des assemblages de plastique ou de bouteilles vertes sont empilées pour faire ce qui ressemble à un sapin de Noël. Parce qu'à Arequipa, les cactus poussent bien mieux que les sapins ! Tout ça a un côté décalé, à l'image du Père Noël qui passe des heures sur la place principale de Arequipa, gagnant quelques soles par photo. Le pauvre est soit sous un soleil de plomb, soit sous une pluie torrentielle. Je pense que si le Père noël avait vécu au Pérou, il aurait plutôt investi dans un poncho pour la pluie ou dans une casquette pour le soleil. Si la fête de Noël semble complètement importée, elle a tout de même été appropriée par la population pour en faire quelque chose d'original. Elle est un moment pour se retrouver en famille et boire un bon coup. Beaucoup sont dans les rues. Le soir du 24 décembre, des milliers de feux d'artifice sauvages éclatent de partout, le spectacle est sublime, tout le ciel de la ville est illuminé de mille feux de toutes les couleurs.

Bon, il fallait que Fab participe !
Les gens doivent dépenser des fortunes pour ces feux. Le spectacle d'explosions de lumières à l'horizon dessine dans le ciel comme une oeuvre d'art spontanée, sauvage, anarchique, mais est également une sorte d'oeuvre collective faite de milliers d'entités individuelles s'exprimant au même moment, pour former ce que je crois avoir été le plus beau feu d'artifice que je n'ai jamais eu l'occasion de voir jusqu'à présent.
Le lendemain, on prend un taxi pour se rendre à l'orphelinat où Anne est bénévole, après s'être mis d'accord sur ce qu'on pouvait jouer aux enfants. Nous arrivons un peu timides dans l'orphelinat, où nos housses d'instruments intriguent les enfants. Le lieu est bien entretenu, rempli de couleurs et une chaude atmosphère y règne. Quelques minutes plus tard, on dispose de petites chaises en arc de cercle autour du sapin de Noël, et toute la petite troupe nous regarde attentivement sans bruit.


Feliz Navidad !

Il y a des enfants de tout âge, de quelques mois à une dizaine d'années. Ils sont soit orphelins abandonnés à la naissance, soit écartés de leurs parents qui ne savent pas s'en occuper. Ils chantent avec nous de bon coeur "feliz navidad" qu'on avait pris la peine d'apprendre en espagnol, "conejito blanco" qu'une amie de Belgique avait appris dans un orphelinat chilien, et même des refrains des Humbles Tartines !

Une occasion pour Fab de faire le clown !
On quitte tout ces petits yeux brillants avec non pas un sentiment de bonne action accomplie mais avec l'impression de s'être fait tout d'abord plaisir à nous-mêmes.

Violoniste en herbe ?
Le lendemain matin, je décide d'aller voir la CGTP, un syndicat péruvien, pour avoir une idée des pratiques syndicales, du poids politique de celui-ci, des relations qu'il a avec des organisations d'autres pays, ainsi que des combats menés actuellement par les travailleurs.

Je suis emmené par un gars aux habits des couleurs de son syndicats dans un petit bureau où un homme était en train d'écrire un texte sur un vieil ordinateur.

Mon interlocuteur aborde immédiatement la question de l'ancien gouvernement, le gouvernement ultra libéral de Fujimori qui a étouffé toutes les initiatives de la société civile sous le couvert de la lutte contre le terrorisme des guérillas des "sentiers lumineux" et du "groupe révolutionnaire armé de Tupac". Au grand bonheur des organisations monétaires internationales, il privatise une grande partie des services publics, ce qui a mis beaucoup de travailleurs au chômage. Il a également complètement déstructuré le syndicat et réduit à néant beaucoup de protections sociales des travailleurs. La répression vis-à-vis des syndicats était très importante, selon mon interlocuteur des gens seraient même morts lors de manifestations. En gros, Fujimori a profité de la peur de la population vis-à-vis des groupes armés révolutionnaires pour mater toute initiative progressive dans le pays.

Aujourd'hui, si le syndicat est écouté par le président Ollanta Humala (nationaliste plutôt vu comme quelqu'un de gauche socio-démocrate), tout semble à reconstruire et à reconquérir. En premier lieu, faire comprendre l'importance de la cotisation syndicale afin d'amener l'autonomie financière du syndicat.

La façade de la FGTB made in Pérou
La ligne politique du syndicat est clairement celle « de la lutte des classes contre le capitalisme ». Quand je demande de la documentation sur le syndicat, on me donne un résumé de leur dernier congrès ainsi que « Unitad », le journal de liaison du parti communiste. Le syndicaliste m'explique qu'il y a quatre autres centrales syndicales, mais avec lesquelles les relations sont « assez compliquées » à cause des différences idéologiques qui les séparent. Les autres syndicats, en effet, s'affichent plutôt comme « socio-démocrates », ces derniers recevraient plus d'aide internationale et seraient beaucoup plus « conciliants avec le capital ». Le nouveau gouvernement est source de beaucoup d'espoir pour le syndicat dans sa mission de défendre les travailleurs mais il y a encore beaucoup à faire pour panser les plaies des blessures que le gouvernement de Fujimori, encadré par les organisations internationales, a faites au pays et à ses citoyens au profit des entreprises étrangères.

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