lundi 26 décembre 2011

Carnet de bord de Fabian - Cusco (08/12/11 - 14/12/11)

Nous arrivons à Cusco par le haut de la ville. Je suis étonné de voir que la ville semble assez pauvre, avec son bitume défoncé, ses "mamitas" qui vendent des fruits et des légumes à même le sol, ses modestes maisons. Sa renommée touristique m'avait laissé penser à autre chose.

 Cusco
Le bus nous dépose au terminal, et nous voilà partis avec nos gros sacs en quête d'un café pour nous ouvrir les yeux. On prend ensuite un taxi pour se rendre dans une auberge renseignée par une amie passée par là quelques temps auparavant. Un rayon de soleil rend la grande cour de l'auberge très accueillante. Elle était habitée par de nombreux Français et Argentins, réputés pour être des types de voyageurs cherchant les bons plans conviviaux et pas chers. Beaucoup gratouillent sur des guitares bon marché achetées en Bolivie, qui sonnent horriblement faux. D'autres font de l'artisanat, d'autres partent vendre des truffes à la banane et à la noix de coco. On ne met pas longtemps avant de sortir nos instruments, et deux ou trois chansons, pour une fois qu'il y a une partie du public qui comprend les paroles !

Notre auberge à Cusco

On passe quelques heures à siroter du maté, en parlant de nos aventures respectives, en s'échangeant des bons plans dans d'autres pays, et en se conseillant des plans débrouille pour aller voir le Machu Picchu pour pas cher. C'est un liquide froid et mouillé, qu'on avait presque oublié dans notre désert, qui nous déloge. Un petit groupe se forme pour aller voir une ruine Inca dans les hauteurs de Cusco. Après avoir grimpé quelques marches, une dissidence non motivée à marcher autant propose une "chicha" dans une "chicheria". La chicha est une boisson traditionnelle (même les Incas en buvaient) élaborée à base de maïs bouilli dans de l'eau, à laquelle sont rajoutées des épices. Dans les chicherias, petits bars à moitié clandestins, indiqués par un fanion ou un sac plastique rouge sur la façade, on peut boire la boisson sacrée ayant un peu fermenté.

La proposition alcoolisée obtient rapidement un consensus favorable. Le goût un peu acide de la chicha devient agréable au troisième verre, et c'est plusieurs cruches de 5 litres qui sont parties dans l'après-midi. "Il faut aller faire de la musique dans les restaurants avec ce que vous faites!" nous dit un des gars en finissant son verre de liquide jaunâtre.

Buff improvisé avec tous les voyageurs de passage à l'auberge Delcy, Cusco

Jusqu'à présent, on a toujours été un peu hésitant à faire de la musique dans des restaurants, ne sachant pas si en tant que Gringos ça marcherait. Après une discussion et une mini répétition avec Henry, un jeune Péruvien de Lima, on changea de point de vue sur la question. Henry a mis ses études et un petit travail à la capitale entre parenthèses après avoir suivi, un peu sur un coup de tête, une touriste qui partait à Cusco. Il y vit maintenant depuis 4 mois, découvrant un peu la vie en dehors de son cocon familial. N'étant pas parti avec beaucoup d'argent, il a suivi les conseils d'un ami musicien et a lâché les dernières soles qui lui restait pour acheter un "bombo", un tambour traditionnel du Pérou qui résonne un peu comme une grosse caisse. Il a rapidement récupéré son investissement et est parvenu à vivre de ses roulements de tambour. On travaille ensemble "El condor passa", un air traditionnel andin auquel on rajoute une petite touche de ska... On bricole également une petite chanson des Humbles Tartines. Le résultat donne un peu un mixe de culture qui se mélange assez harmonieusement.

On finit la soirée bien tard, avec tous les compagnons de l'auberge, sur des airs de reggae town.

Le lendemain, on se lance à l'assaut des restaurants et du Mercado de la ville.


El Condor Paska from Les Humbles Tartines on Vimeo.

Étrangement, ce ne sont pas les touristes les plus grands mécènes, mais bien les locaux qui sont plus généreux. Certains fixent le violon de Marie comme si c'était la première fois qu'ils en voyaient un. Je pense qu'ils appréciaient vraiment notre musique métissée, et qu'ils reconnaissaient le travail effectué. Cependant, je m'en veux un peu, en voyant des familles, a priori assez pauvres, tendre généreusement quelques soles à Henry qui passe le chapeau entre les tables. D'un autre côté, ça nous permet enfin de quitter le rôle consommateur qui nous est assigné en Amérique du Sud, pour produire quelque chose, offrir quelque chose de nous, au pays, à sa population. Ça nous rapporte, les jours où on joue le midi et le soir, de quoi payer une bouffe et l'hôtel.

"Las trenzas" à Calca

A l'auberge, beaucoup d'Argentins et de Colombiens voyagent de cette manière. Ils passent de bar en bar, de resto en resto, avec deux chansons qu'ils répètent partout. Certains sont des prodiges, d'autres viennent tout juste de se mettre à la musique. Il y a aussi ceux qui vendent discretos, la police de l'immigration veille, de l'artisanat. D'autres se débrouillent pour payer leur habitacion et leur comida en jonglant aux feux rouges.

On va jusqu'à Calca avec Henry, une petite ville à plusieurs kilomètres de Cusco. On y joue toute la journée devant les habitants qui n'avaient pas l'air de voir beaucoup d'étrangers dans leur petite localité entourée de montagnes. Nous sommes contents de pouvoir voyager d'une autre manière.

Calca

Une discussion avec un voyageur me revient en mémoire. Après avoir passé deux ans à voyager en Amérique Latine, il passait ses dernières nuits à Cusco avant de repartir en France. On parle ensemble de nos rencontres, des coutumes locales, de toutes ces aventures et lieux étranges que l'on peut voir et vivre en Amérique Latine. Les lignes de Nazca, les constructions Incas faites d'énormes pierres pesant plusieurs tonnes, les savoirs ancestraux des chamans, les révélations étranges de l'ayahuasca, ces étranges bulles que l'ont peut voir sur des photos prises dans des endroits réputés pour être "plein d'énergies", etc. Il y a aussi tous ces coups de chance, ces coïncidences étranges, ces bonnes et mauvaises ondes, donnant le sentiment que nous avons tous un destin lié à l'ensemble du monde et des êtres, et que ce destin nous guide dans nos choix.

Les pierres impressionnantes taillées par les Incas, et assemblées sans ciment

Nous expliquons le monde qui nous entoure, les traces que laisse l'histoire, par un ensemble de croyances et de théories que nous avons prises avec nous. Il y a des explications scientifiques rationnelles, des expériences empiriques qui existent et coexistent avec des croyances symboliques plus spirituelles. Si nous expliquons l'histoire, la magie de la nature, les relations entre les êtres, les relations entre les choses, par les croyances que nous considérons comme les plus crédibles et effectives à nos yeux, l'inverse me paraît vrai aussi : nos incroyances influencent ce que nous voyons, ce que nous retenons de l'histoire, et ce que nous vivons. "Il faut avoir l'esprit ouvert pour appréhender toutes ces richesses et ces cultures qui nous sont a priori étrangères."

Les plaines aux alentours de Cusco

Il est vrai qu'en voyage, n'ayant plus nos repères habituels, on se fie beaucoup plus à son instinct, un feu que la routine éteint souvent, et qui allumé nous guide en illuminant un sentier parmi tant d'autres. C'est lui le moteur de la route. Il trace les balises du chemin, il permet d'être attentif à des détails qui ne trompent pas. Il n'est pas rationnel, il répond plutôt à une alchimie particulière. Il se nourri des signaux des cinq sens, mais également d'énergies plus mystérieuses. Cette recherche d'énergie à tâtons rend notre vision du monde plus ouverte à d'autres énergies, à d'autres croyances, qui me font penser que notre aventure du Machu Picchu avait quelque chose d'initiatique, comme si les éléments croisés en chemin avaient quelque chose à nous apprendre. Ce n'était en tout cas pas une aventure de tout repos qui nous attendait...

Un Inca...

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