vendredi 23 décembre 2011

Carnet de bord de Fabian - Nazca (23/11/11 - 07/12/11)

On quitte La Huacachina pour Nazca, où on essaye de vendre sur le trottoir mais sans succès. Wayki est de plus en plus tendu et nos relations un peu entachées par le fait qu'il nous doit de l'argent, et qu'on se rend bien compte qu'il ne peut sans doute pas nous le rendre.
La route pour aller à Nazca traverse durant de nombreux kilomètres un désert de cailloux
Un matin, nous le retrouvons à l'hôtel après avoir été déjeuner avec Marie. Il a une mine triste et sévère. Il nous dit qu'il s'est fait piquer ses derniers 100€ dont il avait pourtant bien besoin... Il nous laisse quelques-unes de ses productions artisanales en échange de l'argent qu'il nous doit. Il a en tête de retourner à La Huacachina, persuadé que c'est là-bas qu'il s'est fait voler et qu'on lui restituerait son argent. Il part ensuite quasiment sans nous dire aurevoir, et sans un sous en poche. Un peu dommage après tout ce temps passé ensemble... Ma boule au ventre se transforme en diarrhée chronique pour agrémenter le moment, et de très très tristes nouvelles nous parviennent de la famille de Marie...

La Plaza de Armas à Nazca
Alors qu'on venait juste de regarder les horaires de bus pour partir à Cusco le soir-même, Miguel, un artisan rasta, nous propose de venir dans l'auberge qu'il est en train de construire avec sa mère, un peu à la périphérie de Nazca. On va voir sur place, et on se laisse charmer par l'endroit. On pensait n'y rester qu'une nuit, mais nous y restons finalement beaucoup plus longtemps. La gentillesse de Miguel (qui nous apprend également à faire de l'artisanat) et de Nines sa maman, l'auberge en construction, la cuisine commune que nous pouvons utiliser, l'esprit familial qui règne, tout ça nous réconforte, on reprend un peu d'énergie. De plus, le soleil est également présent pour nous réchauffer le coeur. A Nazca il ne pleut presque jamais.

Coucher de soleil à Nazca
Il va sans dire que le rapport à l'eau est important au Pérou, et particulièrement à Nazca où il ne pleut que 2mm d'eau par an. Alors que le paysage est aride et sec, fait de montagnes et de déserts rocailleux et de sable, à 10 mètres sous le sol, règnent quantité de nappes phréatiques. Le Pérou fait partie des neuf pays se partageant 60% des réserves mondiales d'eau douce. Fait assez paradoxal, quand on sait que l'eau est distribuée, à Nazca, une seule fois par jour, durant deux heures, et que la deuxième source de richesse du pays, après le tourisme, est l'exploitation minière.
Fab pensif dans le désert...

Nous profitons de nos quelques jours supplémentaires à Nazca pour visiter un site où on peut apercevoir les fameuses "lignes de Nazca", des grandes lignes tracées dans le désert rocailleux avoisinant, formant des arbres et des animaux. Malgré une recherche très poussée sur ces lignes, on ne sait toujours pas, à l'heure actuelle, ce qu'elles représentaient pour les Incas à l'époque. 


L'hypothèse la plus acceptée, mais sans toutefois être confirmée, est que ces gigantesques tracés servaient aux Incas comme une sorte de calendrier des cultures. Les lignes de Nazca sont positionnées en lien direct avec les constellations. Plusieurs dates précises ont pu être calculées par les chercheurs scientifiques s'étant penchés sur le sujet.

"Le singe"
Même si une potentielle explication existe sur l'utilisation de ces lignes, il reste néanmoins un grand mystère sur la manière dont les Incas les auraient tracées, et sur leur conservation impressionnante.

Pour apercevoir les lignes, il est indispensable de prendre de la hauteur, soit en montant au-dessus d'un mirador de fortune (par exemple pour les touristes comme nous, n'ayant pas un budget de voyage extraordinaire), soit en se payant le luxe d'un vol en avion parcourant les 400 km carré des tracés. Les Incas avaient-ils des potes extraterrestres ? Personne ne peut expliquer comment ils faisaient pour observer leurs lignes en entier...


"Les mains" et le mirador


La résistance de ces lignes au temps s'explique principalement par des phénomènes climatiques naturels : l'absence totale de vent dans le désert et le faible taux de précipitation annuel (1/2h de pluie par an).

Pendant notre long séjour à Nazca, nous partons avec José, un ami de Miguel, voir de nuit un endroit avec "beaucoup d'énergies et de lumières". José avait pris soin de prendre avec lui trois grandes plumes de condor, et nous explique sur le trajet qu'il fait des cérémonies chamaniques. Sur le chemin, qui devait mettre 10 minutes et qui en a mis plus de 30 au final, on passe à côté du musée sur les Incas de Nazca. José nous explique, en fulminant, que le musée appartient à une famille italienne et que beaucoup des richesses des ruines de Nazca ont été ainsi pillées. Ce capital culturel fait aujourd'hui partie de collections privées en Europe.

Ruines Inca de Nazca 
Après avoir quitté la ville, nous nous engageons dans un chemin fait de grosses pierres crissant bruyamment sous les pneus de la voiture. Nous arrivons à destination à proximité d'une ruine Inca. Des petits cailloux peints en blanc tracent un chemin dans la nuit, et nous marchons jusqu'à ce que José nous invite à retirer nos chaussures. On le fait sans poser de questions. Ils nous "lave" en passant les plumes de condor sur notre corps. Après ce petit rituel, il nous invite à prendre place ans un grand cercle de sable entouré de grosses pierres. Le sable est doux et encore chaud de la journée. La lune, qui n'était qu'un petit croissant ce jour-là, éclairait particulièrement le lieu. La lumière argentée permettait de distinguer parfaitement les alentours et les personnes. Un silence prenant rendait l'ambiance feutrée. Au loin, les lumières de la ville déchiraient un peu le paysage, mais notre position surplombante donnait l'impression que nous étions en dehors du temps dans un espace détaché de la réalité. Tout autour de nous, les montagnes noires faisaient comme une arène, renforçant cette impression de sanctuaire. Je passe quelques temps à méditer en regardant les étoiles, ces soeurs du soleil qui dessinent des constellations que je n'avais jamais eu l'occasion de voir auparavant. 

Un coup de téléphone me sort de ma méditation...

Fab, Marie, Miguel, Nines et Lucho
Lucho, un ami de Nines et de Miguel habitant avec nous dans l'auberge en construction, vient de faire une chute à la maison et nous appelle à l'aide. Quelques secondes plus tard, on renfile nos chaussures, et on file dans la voiture, traçant à toute allure, malgré la route accidentée, vers la ville.

On retrouve Lucho, qui s'était hissé jusqu'à son lit. Il a fait une chute de plus de 3 mètres de haut. Heureusement, il n'est pas tombé la tête la première. Il a tout pris dans les chevilles, qui étaient très enflées quand on est arrivé.

Miguel et Nines l'ont accompagné à l'hôpital, où on l'a refoulé car il était 21h et qu'il n'y avait pas de médecin, et que le service de radiologie était fermé... Une petite piqûre d'antidouleur, et les revoilà à la maison, les chevilles de Lucho en bouillie. L'hôpital n'a sans doute pas assez d'argent pour payer du personnel de nuit, il vaut mieux dès lors ne pas avoir de pépin de santé pendant la nuit...

Dans la cour de l'auberge...
Deux jours plus tard, quand Lucho a enfin pu recevoir sa paye, nous retournons à l'hôpital. Nous y apprenons que chaque personne entrant doit payer 5 soles seulement pour pouvoir être reçu. Aucun soin, aucune attention n'est donnée au patient tant qu'il n'a pas régler le côté administratif... Ici, on paye les soins avant d'être soigné, autant dire que si vous n'avez pas les moyens de payer, peu importe votre état, vous pouvez crever devant l'hôpital... Au final, les chevilles de Lucho sont "justes foulées". Il doit rester immobile pendant 10 jours minimum. Comme il n'y a pas de mutuelle, je me demande comment il va faire pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Il faudra sans doute qu'il compte sur l'aide de ses amis. Je n'ose pas imaginer ce qui se serait passer si sa chute avait été plus grave et s'il n'avait pas d'amis généreux...

Lucho est ouvrier dans le bâtiment. C'est stupéfiant de voir qu'ici tout se fait à la main, tout est porté sur le dos, il n'y a quasiment pas de machine pour épargner le travail des hommes, et tout ça sous un soleil de plomb ! Ils sont souvent beaucoup d'ouvriers à travailler en même temps sur le même chantier, et le travail avance malgré tout assez vite. 

Un ouvrier comme Lucho gagne environ 50 soles par jour, c'est-à-dire un peu plus de 15 euros par jour, pour huit heures de travail. C'est assez pour vivre, mais pas pour payer des études supérieures aux enfants. Souvent les jeunes travaillent eux-mêmes à côté de leurs études pour pouvoir les financer. A titre indicatif, des études d'administration à Lima coûtent 800 soles par mois. D'autres études peuvent coûter jusqu'à 3000 soles mensuellement...

On passe plusieurs bonnes soirées en compagnie de Miguel, Nines et Lucho, à se faire des bonnes bouffes : barbecue, ceviche, arroz con pollo, pizzas, moussaka, frites belges, plats typiques péruviens, etc. On les aides à aménager un peu leur auberge, on apprend et on vend un peu d'artisanat, et on regarde une multitude de films en espagnol.
Notre petit stand d'artisanat...
On gagne une nuit gratis en faisant un flyer présentant leur auberge.

Miguel et Nines nous proposent de faire la route de jour jusqu'à Cusco avec un collectivo (petit combi ou voiture dans laquelle on s'entasse pour quelques heures), plutôt qu'avec un car de nuit, afin de pouvoir profiter du paysage.

Le désert aux alentours de Nazca

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