vendredi 2 décembre 2011

Carnet de bord de Fabian - Lima

A Quito, après avoir été manger une dernière fois avec Gabriella, nous reprenons l'avion pour Lima. Wayki et Walter nous avaient donné un rendez-vous dans une auberge, le Machu Picchu, située dans le quartier des imprimeurs, lui-même situé dans le vieux quartier de Lima. L'air sentait le papier chaud et l'encre. Toute la journée, et même la nuit derrière de lourds barreaux métalliques, des hommes s'afféraient à imprimer, couper, coller des quantités impressionnantes de papier. Calendriers, folders, flyers, livres (pirates), cartes de visite, posters, la capitale du Pérou semblait produire les imprimés pour tout le pays, voire pour tout le continent.

Les imprimeries de Lima
Certains travailleurs semblaient très jeunes. Ils exécutaient, avec une grande précision, des travaux pourtant très dangereux. Les grosses trancheuses étaient capables de couper les blocs de papier de 20 à 30 cm de hauteur. Le travail des enfants, en Amérique du Sud, est une triste réalité pour beaucoup d'entre eux. Ils exécutent les mêmes travaux que leurs aînés, et apportent un revenu parfois indispensable aux familles. en Equateur, selon des chiffres de 2002, un million d'enfants travaillait, et la majorité dans les campagnes. Certains de ces enfants n'ont pas de statut dans la société. Ils sont en grande partie analphabètes et beaucoup d'entre eux "n'existent pas". Ils sont invisibles par manque de certificat de naissance ou de pièce d'identité. Depuis, il y a sans doute eu une évolution, mais le problème ne se résoudra pas simplement en retirant les enfants de ce travail, d'autant plus que dans certains foyers, l'effort fourni par les enfants est à l'origine de 35 pour cent des revenus familiaux. Une mère témoigne : "J'aimerais que mes enfants fassent des études, mais leur destin est d'aider au travail de la maison car, autrement, de quoi allons-nous vivre ? Nous gagnons très peu, et s'ils ne travaillent pas, nous aurons encore moins d'argent." Bien sûr, tous les enfants ne travaillent pas. Nous en voyons également beaucoup en uniforme d'école. Ceci est sans doute à mettre en parallèle avec l'évolution récente qu'a connu le pays.

L'économie péruvienne est parmi les plus performantes de l'Amérique Latine. Elle repose sur les secteurs exportateurs, et sur une forte augmentation de la demande interne. Son PNB est passé de 47 767 millions de $ en 1993 à 127 598 en 2008. Mais les études montrent qu'une couche de la population reste dans la pauvreté malgré l'essor économique notable que connaît le pays. L'institut péruvien de statistiques avance un chiffre de 36,2 pour cent de personnes pauvres pour 2008. La pauvreté extrême (moins d'1 dollar par jour) s'élèverait à 12,6 pour cent pour la même année.

Lima est, comme les autres capitales sud-américaines, polluée, agitée, et de taille démesurée. Nous sommes frappés par la manière dont les quartiers sont agencés : là le quartier des artisans, là-bas le quartier des magasins de musique, et par là-bas toutes les boutiques vendent des chandelles et des figurines de Jésus. Tous ces magasins regroupés vendent les mêmes choses, la concurrence est maximale.

Mais c'est également la vivacité politique de la capitale qui m'interpelle. Alors que nous marchons en direction de la place principale, nous sommes pris dans une manifestation de commerçants ambulants qui, avec les personnes handicapées (qui sont souvent également commerçants ambulants), protestaient contre la répression policière qu'ils subissent quotidiennement.

Manif sous haute sécurité à Lima...
Private joke pour Les Humbles Tartines : On se croirait à la Bastille !

Malgré la manif à quelques mètres, au Palais présidentiel les gardes continuent  à parader comme chaque jour, sur le rythme d'une petite fanfare
Sur une autre place, un peu plus loin, un groupe d'une cinquantaine de personnes discute politique, ce qui n'est pas sans me faire penser aux Indignés européens, avec la différence notoire que beaucoup ne s'expriment pas, se contentant d'écouter le plus éloquent de tous. Marie me fit aussi remarquer qu'il n'y avait que des hommes. Je comprends, au travers de mon espagnol débutant : "Tu parles pour parler !", "Il faut en finir avec le système capitaliste.", "Que faire ?". Il faut dire que nous sommes dans le pays du Sentier Lumineux et du mouvement révolutionnaire armé de Tupac, deux guérillas communistes qui ont sévi de 1980 à 2000. Cachés dans une partie de la jungle péruvienne, ils ont pu organiser le territoire à leur avantage (tunnels, cachettes, voies de replis), et ils ont pu dès lors riposter énergiquement aux tentatives du Pouvoir de reprendre le contrôle des vallées, des fleuves Apurinac et Ene, dans le sud-est du pays. Récemment, entre 2008 et 2009, 50 soldats et policiers ont perdu la vie dans les affrontements avec la guérilla. Leur propos est clair : "la guerre populaire a commencé en 1980 et se développe avec succès, aujourd'hui, près de 10 ans après l'arrestation du président Gonzalo. Notre objectif est défini : conquérir le pouvoir et aller jusqu'au communisme, en s'appuyant sur la république Populaire de Nouvelle Démocratie (...) L'Armée de Libération Populaire s'est renforcée et a augmenté sa capacité offensive, c'est le Parti qui commande au fusil." (Mouvement populaire du Pérou, 7 octobre 2003) Ça promet...

On retrouve nos amis Wayki et David, de Montañita, quelques jours plus tard. Wayki passe nous acheter du matériel pour faire de l'artisanat : du fil à bracelet pour Marie et des fils d'argent avec des pinces pour moi. Pendant ce temps, nous allons visiter le musée de la banque centrale qui possède une belle collection d'objets pré-colombiens et de peintures.

David qui semble apprécier les sculptures devant le musée

Représentation des trois mondes selon la cosmologie andine : le serpent pour l'infra-terrestre, le guépard pour le terrestre, et le condor pour le supra-terrestre


Des voyageurs un peu comme nous...
Avec Marie, nous allons également visiter le musée de l'inquisition. 95 pour cent de la population catholique, vous vous souvenez ? Voici une partie de l'explication...

Tribunal de l'inquisition
Hérétique constitué prisonnier, privé d'eau et de nourriture
"Tu vas croire en Dieu ? Ou je tourne la manivelle... !"
Nous quittons le bruit des klaxons assez rapidement. Ici les klaxons sont utiliser pour dire : "attention", "je suis là", "à ta gauche", "à ta droite", "hey salut", "avance un peu", "je m'ennuie dans les embouteillages", "je ne l'ai pas fait exprès", "tu veux prendre le taxi ?", "bouge de là", ... ça ne nous manquera pas !

1 commentaire:

  1. Coucou les amis !

    Juste pour vous dire merci de nous faire partager un peu de vos aventures et de nous faire voyager avec vous (au moins par la pensée). C'est vraiment un plaisir de lire vos nouvelles (Fabian est toujours un aussi bon conteur) et de voir vos photos, surtout les plus insolites !^^ (Youness a beaucoup aimé celle du wc en pleine forêt !;-)) Ça met un peu de baume au cœur en cette morne saison hivernale, qui ne fait que commencer... :-(
    En effet, ici, la vie est nettement moins trépidante, à côté de vos histoires passionnantes... A tel point que je manque d'inspiration pour vous écrire... Mais je voulais quand même vous dire qu'on pense à vous, et que vous nous manquez... Et puis, quand même, que je suis vraiment heureuse pour vous que tout se passe bien et que vous viviez une si belle expérience ! :-) Je me réjouis de vous entendre nous en parler en direct !

    Allez ! Je vous souhaite une très bonne continuation, et encore plein de bonnes choses !
    A très bientôt, inchaâ Allah !

    Gros biiiisous

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